Pourquoi l'alimentation impacte-t-elle tant la performance ?
Sur le vélo, les réserves énergétiques ne sont pas inépuisables. Lors d’une course de plus de 60 à 90 minutes, l’épuisement des stocks de glycogène (la forme stockée du glucose) figure parmi les principales causes de perte de puissance et de baisse de régime (SportMedBC). Préparer son organisme, c'est donc maximiser ces réserves avant le jour J, mais pas uniquement. Il s’agit aussi d’arriver avec une digestion régulée, un système immunitaire solide et une hydratation optimale.
Quels macronutriments privilégier durant la semaine précédente ?
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Glucides : Ils constituent le cœur du carburant cycliste. Une étude parue dans le British Journal of Sports Medicine recommande d’augmenter l’apport glucidique 3-4 jours avant la course, jusqu’à 8 à 10 g de glucides par kg de poids corporel et par jour pour les compétitions exigeantes (par exemple, 560 à 700 g par jour pour un adulte de 70 kg).
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Protéines : Elles servent surtout à la récupération, mais une carence risque d'amoindrir la réponse immune ou la réparation musculaire. L'apport conseillé se situe entre 1,2 et 1,6 g/kg/jour (source : NCBI).
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Lipides : Part à ajuster sans excès, en misant sur des acides gras insaturés (huile d’olive, noix, poissons gras) bénéfiques pour l’inflammation et la santé cardio-vasculaire.
L’art du “carbo-loading” : Mythe ou réalité ?
La "surcompensation glucidique" ou carbo-loading consiste à augmenter l’apport en glucides afin d’améliorer la réserve musculaire de glycogène. Méthode popularisée dans les années 1960, elle a été affinée depuis : inutile, voire contre-productif, d’épuiser volontairement ses réserves avant d’augmenter l’apport (>10g/kg). La plupart des études actuelles (ISSN, 2014) recommandent une hausse progressive les 2-3 jours précédant la compétition, accompagnée d'une légère réduction des charges d’entraînement.
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Exemple de repas riche en glucides : riz, pâtes, semoule, pommes de terre, pain complet, fruits secs, mais aussi jus de fruits et compotes.
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Attention : Privilégier les aliments que l’on tolère habituellement, pour ne pas risquer une gêne intestinale le jour J.
Hydratation : le nerf de la guerre jusqu'au dernier jour
La déshydratation se solde par une perte rapide de performance, et même une dégradation cognitive dès 2% de perte de poids corporel (Gatorade Sports Science Institute). Durant la dernière semaine, il convient de :
- Boire régulièrement, sans excès, en diluant électrolytes et glucides dans l’eau si la sortie prévue dépasse 90 minutes.
- Vérifier la couleur des urines (pale = bien hydraté, foncée = manque d’eau).
- Limiter les boissons diurétiques (café, alcool), surtout dans les 48h précédant la course.
Peser son poids le matin (après être allé aux toilettes) permet de détecter une perte d’eau latente avant que la soif n’apparaisse réellement.
Repas et menus : que manger, concrètement, les 7 jours avant la course ?
| Jour |
Breakfast |
Déjeuner |
Dîner |
Snack |
| J-7 à J-4 |
Porridge flocons d’avoine, banane, lait végétal, noix |
Quinoa, poulet, haricots verts, pain complet |
Pâtes complètes, saumon, légumes vapeur |
Fruits secs, yaourt, une tranche de pain au miel |
| J-3 à J-1 |
Baguette, confiture, jus d’orange frais |
Riz blanc, dinde, courgettes, un peu de parmesan |
Pommes de terre vapeur, œufs, tomates, huile d’olive |
Biscottes, compote, deux figues séchées |
| Jour de la course (petit déjeuner, pris 3h avant) |
Gâteau de riz maison, compote, eau plate |
Apports digestes et faibles en fibres/dosucre : éviter la surcharge lipidique ou protéinée. |
À 48h, réduire la quantité de fibres et de graisses pour limiter les troubles digestifs. La veille, privilégier des repas plus pauvres en crudités et riches en féculents tolérés.
Gestion des micronutriments et compléments : vigilance ou stratégie ?
L’objectif est d’éviter toute carence, sans pour autant tomber dans la sur-supplémentation. Focus sur certains éléments clés :
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Fer : vigilance accrue chez les cyclistes féminines (et végétariens) ; le ferrum est indispensable pour l’oxygénation musculaire (Source : PMC). En cas de fatigue anormale ou de règles abondantes, un avis médical s’impose.
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Magnésium et potassium : pour limiter les risques de crampes, surtout si la température est élevée ou en cas de grande frilosité.
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Vitamine D, antioxydants (A, C, E) : préviennent la baisse immunitaire induite par le stress oxydatif de la compétition (source : PubMed).
Le recours aux compléments doit demeurer ciblé, basé sur un bilan individuel ou avis de professionnel de santé.
L’enjeu digestif des derniers jours : surveillance accrue
Les troubles digestifs touchent 21 à 50% des cyclistes pendant un effort intense (Source : International Journal of Sport Nutrition and Exercise Metabolism). Pour limiter les risques :
- Éviter les nouveautés alimentaires la veille et le jour J
- Limiter le lactose chez les intolérants ; préférer yaourts, lait délactosé voire alternatives végétales
- Diminuer la part de fibres (crudités, légumineuses, céréales complètes) 24-48h avant la course
- Prendre ses repas à horaires réguliers pour habituer son système digestif
- Tester préalablement lors des sorties longues les menus envisagés pour le jour de compétition
Alimentation adaptée selon la durée et le profil de la course
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Pour une course de moins de 2h : les réserves, si elles ont été reconstituées correctement, suffiront à la plupart, accompagnées d'une hydratation soignée. Le danger réside plus dans le stress ou la digestion trop lourde.
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Pour une course supérieure à 2h ou avec dénivelé : la surcompensation glucidique s’impose vraiment, sous peine d’exposer son corps à la défaillance ("coup de fringale"). Penser aussi à anticiper les ravitaillements intermédiaires, à déterminer lors de la semaine de préparation.
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Courses à étapes : la stratégie s’adapte au jour le jour, en gérant récupération et apport énergétique pour les efforts à venir. La capacité à digérer reste essentielle.
Check-list et pièges classiques à éviter avant la compétition
- Trop manger la veille : surcharge digestive, éveil difficile.
- Sous-estimer l’importance de la répartition des macronutriments.
- Tester des aliments nouveaux (barres, gels) juste avant la course.
- Confondre gourde “énergétique” sursaturée et hydratation efficace.
- Négliger les signaux (soif, ballonnements, signes de carence).
Derniers conseils pour partir l’esprit tranquille
L’approche alimentaire de la dernière semaine avant une compétition cycliste repose sur l’anticipation, la régularité et l'écoute du corps. Les préparatifs sur le plan nutritionnel ne sont ni plus ni moins que la poursuite de l’entraînement de fond. À l’image d’un vélo bien réglé, une assiette équilibrée et progressive, adaptée à la typologie de la course et à vos propres réactions digestives, constitue la fondation indispensable pour donner le meilleur de soi-même le jour J.
N’hésitez pas, pour les compétitions majeures, à en discuter avec un diététicien du sport ou un médecin : l’individualisation, c’est la clé. Bonnes roues, bonne préparation – et à fond sur la ligne de départ !