Bicycode : l’arme anti-vol des cyclistes urbains à la loupe

Une ville, mille vélos… et autant de risques de vol

En 2023, une statistique continue de hanter les cyclistes urbains français : chaque année, autour de 400 000 vélos sont déclarés volés en France selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR). Ce chiffre, vertigineux et, selon la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB), encore sous-estimé, a poussé à repenser la sécurisation des vélos au-delà du simple antivol. Apparu en 2004, le Bicycode fait figure de rempart face à ce fléau et entend casser les rouages du recel.

Le Bicycode, mode d’emploi : l’identification comme levier de dissuasion

Le Bicycode est un marquage physique, sous forme de gravure ou de sticker sécurisé, apposé sur le cadre du vélo. Ce code unique, enregistré dans une base de données nationale, permet d’attribuer un vélo à son propriétaire. Depuis janvier 2021, le marquage est même devenu obligatoire lors de la vente de vélos neufs et d’occasion par un professionnel (Legifrance).

  • Code composé de 10 à 12 caractères alphanumériques
  • Consultation accessible à tous via le site Bicycode
  • Base de données opérée par l’APIC (Association pour la Promotion de l’Identification des Cycles)

Ce système inspiré de ceux utilisés en Allemagne ou au Danemark vise à outiller aussi bien les forces de l’ordre que les utilisateurs ou les acheteurs d’occasion, réduisant ainsi les trafics.

Pourquoi le marquage fonctionne-t-il ?

Le succès d’un dispositif d’identification tient à plusieurs facteurs :

  1. Dissuasion : Un vélo gravé a environ deux à cinq fois moins de risques d’être volé selon les études de la FUB, car il est plus difficile à revendre facilement. Les voleurs privilégient les biens non traçables.
  2. Restitution facilitée : Si la police retrouve un vélo marqué, identifier son propriétaire devient quasi immédiat. En 2022, plus de 12 % des vélos retrouvés marqués ont été restitués à leurs propriétaires (FUB).
  3. Effet réseau : Plus la part de vélos marqués augmente, moins les filières de revente sont viables. Aux Pays-Bas, où 80 % des vélos sont identifiés, le taux de restitution dépasse 30 % (Bicycode).

Un pilier de la lutte contre le recel et le marché noir

Les voleurs, qui écoulent principalement leurs vélos sur le marché d’occasion, se retrouvent bloqués face au Bicycode. Lorsqu’un acheteur potentiel saisit le code sur bicycode.org, il peut savoir en quelques secondes si le vélo est signalé volé. Cela a plusieurs effets :

  • Assainissement du marché de l’occasion : Les grandes plateformes de vente en ligne, comme Leboncoin ou Troc-Vélo, recommandent désormais de vérifier la présence et la validité du Bicycode avant achat.
  • Obligation de transparence pour les professionnels : En cas de transaction, le vendeur doit remettre une preuve d’identification au nouvel acquéreur. Cela protège les acheteurs de bonne foi.
  • Entraînement des volés hors du circuit : Le marquage neutralise la valeur d’un bien volé. Beaucoup de vols deviennent alors stériles, car la revente se complique.

Un chiffre clé vient illustrer cet assainissement : depuis l’obligation du marquage, le taux de vélos identifiés par la police à Paris a bondi de 15 % à 67 % en quatre ans (source : Préfecture de police de Paris, 2023).

Quels vélos peuvent ou doivent être marqués ?

Depuis le 1er janvier 2021, la loi oblige le marquage de tout vélo vendu neuf par un professionnel, et depuis 2022, cela s’applique aussi à l’occasion chez les pros. Cela concerne :

  • Les vélos adultes et enfants (hors draisiennes, trottinettes, vélos pliants sans cadre conventionnel – sous conditions)
  • Les vélos électriques (hors speedbikes, déjà immatriculés)

Seuls les particuliers qui vendent entre eux ne sont pas encore soumis à l’obligation, même s’il est fortement recommandé de marquer son vélo. Les opérateurs agréés, comme Decathlon, Cyclable ou les associations vélos, proposent ce service pour 10 à 20 € en moyenne.

Le parcours d’un vélo volé : du vol au recel, le rôle du Bicycode

Sans identification, un vélo volé se retrouve généralement sur des marchés parallèles, souvent à des centaines de kilomètres du lieu du vol. Avec le Bicycode, chaque cycle devient traçable :

  1. Déclaration du vol sur bicycode.org (ou via les forces de l’ordre)
  2. Blocage instantané de l’enregistrement public
  3. Si le vélo est retrouvé, contact automatique avec le propriétaire via la plateforme
  4. Preuve de propriété simplifiée pour la restitution

Ce circuit a permis, par exemple à Strasbourg, de réduire de plus de 48 % le recel de vélos d’occasion entre 2019 et 2023 selon la Ville de Strasbourg. Ce détour vertueux est renforcé par le partage de bases de données entre la France, la Belgique et bientôt l’Allemagne, suivant la dynamique européenne initiée en 2021.

Limites et défis à relever

Malgré son efficacité, le Bicycode présente certains freins :

  • Le marquage doit être complété par une déclaration en ligne et la mise à jour lors d’une revente, sinon le système perd en efficacité.
  • Les voleurs peuvent tenter de dissimuler ou de limer le code, mais le marquage reste décelable sous lumière UV ou microscope.
  • Le taux de restitution, bien qu’en nette hausse, reste minoritaire (12 % seulement en 2022, source FUB) – ce qui suppose une amélioration de la communication autour du dispositif.
  • Certains voleurs agissent par opportunité et devant un vélo bien marqué, ils peuvent… choisir une autre cible à proximité non identifiée !

Les institutions recommandent donc d’associer le Bicycode à une bonne sécurisation mécanique : antivol en U classé SRA ou FUB, cadenas de roue, parking sécurisé.

Impact sur l’assurance et la prévention

De plus en plus d’assureurs demandent désormais un Bicycode pour ouvrir ou rembourser un dossier de vol. Ce critère devrait devenir un standard dans les années à venir. Du côté de la prévention, les campagnes qui encouragent le double verrouillage et le marquage portent leurs fruits : en 2023, la FUB note une baisse de 16 % des violences lors des vols (tentatives avortées, vélos laissés sur place).

Perspectives et évolutions du Bicycode en France

Le Bicycode entre dans une nouvelle ère. Plusieurs mesures se dessinent déjà :

  • Interconnexion des bases de données européennes pour traquer les vélos volés transitant à l’étranger
  • Développement de QR codes permettant un contrôle rapide depuis un smartphone
  • Projets pilotes de géolocalisation couplée (puces électroniques et marquage)
  • Réduction du coût du marquage pour une adoption massive

Par ailleurs, la dynamique entraîne une évolution du marché de l’assurance vélo et du partage urbain. À Lyon, 85 % du parc de vélos en libre-service a été équipé d’identifications traçables, entraînant une division par trois du taux de disparition (source : Grand Lyon, 2022).

Pourquoi le Bicycode change les règles du jeu urbain

Le marquage d’identification représente un levier concret pour sécuriser l’usage du vélo en ville. S’il ne supprime pas totalement la criminalité, il force les réseaux à se réinventer, réduit l’attrait du vol opportuniste et offre des garanties aux acheteurs et aux assureurs. En encourageant l’adoption massive du Bicycode, collectivités et cyclistes œuvrent ensemble pour une ville plus apaisée, où le vélo s’émancipe des chaînes du vol. Reste à massifier la pratique et sensibiliser toujours plus largement pour inverser durablement la tendance.

Pour aller plus loin : la FUB publie chaque année des chiffres actualisés (FUB), et l’initiative européenne BICINODE vise à harmoniser les dispositifs d’identification à l’échelle continentale.